Traversée de la Dent de Crolles
L’objectif : Traverser la Dents de crolles de bout en bout, lors d’une randonnée souterraine avec un dénivellée de -300m, descendu principalement sur corde.
Entrée par le Trou du Glaz, en haut dans la neige, et sortie par la source de Guiers Mort, une résurgence de la rivière souterraine.
On se fait déposer au col du Coq , et des amis nous font la faveur de redescendre la voiture près du trou de sortie.
On s’économise ainsi deux bonnes heures de marche, merci les copains !
A partir du col, nous commençons une marche d’approche vers le trou du Glaz à travers les sapins. Très vite, il n’y a plus d’arbre, et la pente devient très abrupte.
Au bout de 30 minutes de douleurs pour mes petites jambes, on commence une partie plate.
Ce n’est pas pour autant une partie de plaisir : il faut traverser le Pré-qui-tue.
C’est quoi ? Un sentier pour dahus, à flanc de montagne, recouvert d’une couche de neige qui a passé la semaine au soleil.
Joli risque de partir avec l’avalanche : nos traces de pas créent une ligne pointillée au milieu de cette couche de neige, propice à un découpage net et précis.
En plus, les aventuriers qui ont fait la trace avant moi avaient de grandes enjambées, et je galère à mettre mes pieds dans leurs traces. Heureusement que j’ai déjà mes chaussons néoprènes aux pieds, car la neige rentre partout dans nos chaussures.
Enfin, la pente est si raide qu’on avance en s’appuyant sur la neige, à l’aide de la main côté amont. C’est froid la neige. Et les gants de spéléo, troués par les manipulations de cordes, n’aident en rien.
Nous arrivons enfin au Trou du Glaz, dont l’entrée est presque ensevelie par la neige. Nous nous y glissons et admirons le magnifique spectacle : des coulées de glaces s’étalent partout devant nous.
On pique-nique rapidement et on s’équipe, puis la traversée commence.
Quelqu’un qui connait bien le coin nous accompagne, parce qu’il parait que ce gruyère est labyrinthique. Il y a une dizaine d’entrées/sorties possibles dans ce réseau.
Dès les cinq premières minutes, on entend crier derrière nous. C’est notre guide, qui s’était engagé dans la bonne voie lors d’un embranchement, et qui nous a vu passer devant lui sans qu’on s’en aperçoive.
Nous arrivons au premier puits. C’est l’occasion de découvrir des techniques propres au canyoning : le rappel débrayable. Ça permet de repartir les frottements sur la corde, pour ne pas qu’elle se rompe. De plus, la corde n’est pas complètement fixée en haut, car nous devons la tirer à nous lorsque nous sommes en bas de l’obstacle.
Plein d’avantages :
On ne sera pas obligé de revenir ici pour récupérer la corde.
On n’est pas obligé de se trimbaler des cordes pour chacun des obstacles. Une seule corde du double de la longueur du plus grand puits fera l’affaire, que nous utiliserons partout. C’est bien plus pratique à porter.
Un inconvénient :
Avec les chutes de neige de la semaine précédente et le soleil qui a suivi, il pourrait y avoir beaucoup d’eau dans le réseau. Si jamais ça bloque quelque part, on ne pourra pas ressortir seuls par là où on est entré.
Nous continuons notre progression, et nous sommes bientôt rejoint par la deuxième équipe qui nous suit de près. C’est l’occasion de se faire engueuler : l’un de nous a allumé une cigarette sous terre, et la fumée est remontée asphyxier ceux qui nous suivaient, qui passaient alors un passage étroit.
On prend le large en vitesse, et ils n’ont pas l’air pressé de nous suivre : notre pause sandwich ne leur a même pas permis de nous rattrapper.
Un peu plus loin, nous arrivons en haut d’un puits bien bruyant. Une grande cascade doit s’écraser en bas.
Notre guide, rassurant, nous sort un « Putain c’est galère, normalement ici, y’a pas de rivière ».
Un cobaye est désigné pour descendre le premier. Tout va bien, il touche le sol et nous le rejoignons.
Ensuite, le moment émotion : franchir le « méandre exposé ».
Considérez ça comme un couloir étroit, qui s’étend sur une grande hauteur, que vous franchissez par le milieu. Vous n’avez donc pas de sol sous les pieds, il faut trouver des endroits sur les murs du couloir pour les poser.
De temps en temps, vous ne pouvez même pas le faire, il faut donc avancer en se coinçant avec les fesses/genoux/coudes/mains/pieds sur tout ce que vous trouver. On dit passer « en opposition ».
Une fois que vous avez avancé sur une vingtaine de mètres à 6 mètres de haut, il est temps de redescendre, en essayant de frotter le plus possible contre le bord, histoire de contrôler la descente/chute.
On arrive les pieds dans un ruisseau, et on reprend notre souffle.
La traversée se poursuit, jusqu’à ce qu’on doive effectuer la seule remontée du parcours.
N’étant pas équipé de matériel d’escalade pour grimper (le matériel de spéléo permet de descendre, et de remonter sur sa corde), nous utilisons une corde qui est installé « en fixe » (en permanence) à cet endroit.
C’est un plan très incliné, sur lequel nous prenons pied malgré un ruisselement d’eau important, et nous progressons sur la corde.
C’est très désagréable car l’eau ruissèle également le long de la corde, que nous tenons à l’aide d’une poignée bloquante. L’eau en profite pour rentrer dans nos manches et couler le long des bras, c’est glaçant.
Arriver en haut, on y voit très mal: l’effort nous a réchauffé, et nos combinaisons trempées dégagent désormais une vapeur abondante. Il faut avancer en permanence pour laisser notre nuage derrière nous.
Nos amis d’un club parisien, plus proche des cataphiles que des spéléos, décident de cramer une cigarette pour rajouter au brouillard ambiant.
Nous continuons notre route et nous arrivons dans un labyrinthe horizontal, où notre guide a besoin de ressortir la topo (la carte) pour nous diriger.
Le chemin trouvé, nous traversé une galerie atypique : assez large et haute pour se tenir debout, un fossé d’environ deux mètres de profondeur au milieu, et de chaque coté, une pente trop raide pour y avancer sans glisser dans le fossé.
La technique c’est de passer en zig-zags : courir à droite, tourner à gauche, sauter le fossé, courir à gauche, tourner à droite, sauter le fossé, etc… C’est pas simple, et encore moins quand il y a de l’argile bien glissant partout.
Le passage n’est pas très long, une centaine de mètres, avec une plateforme à mi chemin pour se reposer.
Ensuite, nous passons à côté du puits « Isabelle ». Nous n’y descendons pas, mais nos lampes ne parviennent pas à éclairer le fond. Nous y jetons une pierre pour avoir une idée de la profondeur.
Le temps qui s’écoule avant que nous entendions le fracas de sa chute est tout simplement effrayant.
Plus loin, je propose à un acolyte spéléo/parisien/cataphile « Tu veux un peu d’eau? ».
Certainement suite à une hallucination auditive, il me répond qu’il est d’accord pour un bédo.
Déception dans ses yeux lorsque je lui tends ma gourde.
Près de la sortie, nous retrouvons une dizaine d’amis à nous, qui n’ont pas tenté la traversé mais une ballade entrée/sortie par le même trou (Guiers mort).
Ils sont encore sur la phase « aller » de leur aller-retour.
Ils nous annoncent que cela fait 2h30 qu’ils sont entrés, mais qu’ils nous faudra 15 minutes pour sortir.
Incompréhension.
Après discussion, leur effectif plus nombreux et le fait qu’ils remontent explique cela.
On reste un peu avec eux, le temps que les derniers de leur groupe remontent jusqu’à nous, et nous libèrent la corde pour descendre.
Ensuite, le réseau sanguin. Des chatières où l’on rampe dans les gravats de désobstructions. Merci les genouillères.
On passe sur le ventre, mais il faut quand même rentrer les fesses par moment, sinon on bloque au plafond.
On doit approcher de la sortie, car on commence à trouver quelques coulées de glace.
Nous débouchons sur une salle avec une large rivière, parsemée d’iceberg. La sortie est toute proche !
On la suit en pataugeant allégrement dedans, et nous arrivons au porche de Guiers-Mort.
C’est magnifique, il fait encore jour, et il y a énormément d’eau par rapport à d’habitude (parait-il).
Une petite photo de groupe, et nous rentrons par une petite marche en fôret.
Super traversée, c’est de la spéléo bien agréable, où on bouge bien, qui ne dure pas très longtemps et qui se fait en restant quasiment sec. Je recommande !