Cascade de glace
En bref : une semaine UCPA avec un guide de haute montagne pour découvrir l’escalade sur cascades de glace, dans le Parc Naturel Régional du Queyras (le bout du monde).
Le cadre : un gîte d’étape, l’Ancolie Bleue à Abriès. C’est pas le grand luxe, mais les repas sont gastronomiques et gargantuesques.
Premier jour : Découverte du matériel
Nous nous rendons aux cascades de glace du village d’Aiguilles. Surplombant un torrent à moitié gelé, une cascade de glace très large et très bleue nous fait face. Notre guide nous explique qu’il doit aller déplacer les pulvérisateurs avant que nous commencions : ce serait dommage de grimper sous la pluie. Après vérification, le guide a créé de toutes pièces ces cascades avec l’eau du robinet !
Je troque mes chaussons d’escalade contre des chaussures rigides d’alpinisme. En gros, c’est comme des chaussures de ski, sauf qu’on peut y accrocher des crampons. Les crampons, ce n’est pas des pics, mais bien des lames : j’évite de justesse de me trancher les veines en les accrochant.
Premier exercice : se déplacer horizontalement sur la paroi, à 30 cm de haut. On plante les pointes des crampons (celles qui sont sur le devant du pied) dans la glace, puis on recommence. Ça tient super bien, mais ça tue les mollets. Après quelques minutes, on commence à prendre confiance dans ces appuis aériens : en dessous des pieds, il n’y a rien pour les retenir.
Deuxième exercice : le planté de piolet. Il faut savoir lire la glace pour choisir là où on va planter le piolet, mais aussi savoir viser, parce qu’il faut un peu d’élan pour l’enfoncer suffisament, et ça n’aide pas pour la précision. On remercie les lunettes de soleil, qui nous protègent de tous les éclats de glace qui s’envolent.
C’est enfin le moment de grimper pour de vrai. On enfile le baudrier, et on entame une voie facile en moulinette : la corde nous retient par le haut, ainsi on ne descend quasiment pas en cas de glissade.
Les voies s’enchaînent, en élevant progressivement le niveau, et en échangeant régulièrement les binômes, ce qui me donne l’occasion de larguer mon frangin pour assurer une grimpeuse de charme. Tout se passe bien, à part un coup de piolet mal placé qui décroche un bloc de glace de 3kg que je reçois en plein visage.
En fin de journée, je n’ai pas mal aux bras, mais aux mains ! Pas évident de rester crispé sur des piolets toute la journée. Reste plus qu’à aller rafistoler nos pantalons de skis qu’on a découpés à coup de crampon, bien malgré nous.
Deuxième jour : Utilisation des broches à glace
Pour pouvoir monter en tête, c’est à dire sur une cascade où la corde n’est pas déjà en place, il est nécessaire de poser des points d’ancrage tout au long de l’ascension. Ainsi, en cas de chute, on tombe seulement jusqu’au dernier ancrage qu’on a posé. Non, en fait on tombe de deux fois cette hauteur, c’est logique. Oh puis non, en fait y’a l’élasticité de la corde aussi. Et puis encore un peu plus si l’assureur n’est pas au taquet. Tout ça pour dire qu’avec un peu de chance, on s’écrase pas comme une crêpe sur le sol.
La chute, c’est la spécialité de Kristen, à tel point qu’on a fini par appeler ça une Kristennade. Les deux variantes : la tête en bas, ou en laissant un piolet en haut. Heureusement, plus de peur que de mal, même si remonter avec un piolet manquant relève du casse-tête.
Revenons en à l’essentielle : les points d’ancrage. On les réalise en posant des broches. C’est une grosse vis, qu’on insère dans la glace à la main, puis qu’on enfonce grâce à la turbine (un genre de manivelle). Après, on y accroche une dégaine dans laquelle on fait passer la corde. Enfin, on prie pour que ça tienne.
L’entrainement au brochage est parfait : ça s’enfonce comme dans du beurre, et on turbine à 200 à l’heure. Lorsqu’on grimpe, on déchante vite : en tension sur les pieds, la crampe nous guette, et à moitié suspendu sur un piolet, un bras s’épuise pendant que l’autre essaie d’enfoncer la f***** broche, qui tourne dans le vide et ne s’enfonce pas d’un centimètre.
Finalement, on arrive à réaliser nos premières voies en tête, puis c’est déjà la fin de la journée.
Troisième jour : Les vraies cascades
On quitte les cascades artificielles pour aller à Ceillac. Les cascades y sont nombreuses et longues : on remonte un cours d’eau qui forme une succession de cascades, sur une journée entière. Cette fois-ci, on forme les binômes pour la journée. On répartit les meilleurs grimpeurs, pour qu’au moins un membre de chaque cordée puisse passer en tête dans les passages difficiles.
Cette journée est placée sous le signe des relais. Une fois le premier grimpeur en haut d’une cascade (10 ou 15 mètres), on s’accroche à un relais. C’est un ancrage plus solide qu’une broche : un arbre, ou des broches fixés dans la roche. Une fois au relais, on assure le second par le haut, et on avale la corde au fur et à mesure. Deux méthodes : en faisant ça proprement, ou en mode « plat de spaghetti ». On se rabat souvent involontairement sur la seconde méthode, faute d’avoir réussi la première.
On enchaîne les ressauts, parfois séparés par de petits tronçons en pente douce où nous marchons simplement dans la neige.
Quatrième jour: On remet ça !
Même chose que le jour précédent : nous allons encore à Ceillac, et nous nous engageons dans les mêmes cascades. Sauf que très rapidement, nous choissisons l’affluent de gauche, pour effectuer l’ascension du Y de gauche. Vous aurez compris que la veille, nous avions donc grimpé le Y de droite. Les types qui ont trouvé ces noms manquaient vraiment d’imagination. D’autres portent des noms plus exotiques, tels que Cristal Salace ou Les Formes du Chaos.
A la redescente vers la station, nous avons la surprise de voir que notre sentier de la veille a été « gommé ». Une petite avalanche ayant eu la bonne idée d’ensevelir une dizaine de mètre de la piste. Peu rassurant, mais notre guide nous emmène dans une combe encore plus exposée, parce que selon, elle est « vachement mieux pour faire du toboggan »… ah.
On glisse les crampons dans les sacs, et c’est parti pour une descente à toute vitesse sur les fesses. L’éclate totale. Le frangin en profite même pour faire un plongeon dans la poudreuse.
Dernier jour : Déjà ?
Direction une cascade de glace au soleil ! Autour de nous, pas de neige, mais un cours d’eau givré qui se faufile dans les broussailles. La première cascade est trop haute pour la franchir d’une traite, nous devons poser un relai à mi-chemin. Notre relais ? Deux broches à glace, reliées par une sangle. Ça tient bon, et on continue de franchir les ressauts jusqu’à ce qu’il n’y ait plus assez de glace pour continuer. Et oui ! Aussi étrange que cela puisse paraître, ça a fondu plus vite en haut qu’en bas.
On fait le chemin inverse pour repartir, en descendant en rappel, puis on retourne sur notre cascade école. C’est l’occasion pour faire les cascades « neuves » : celles qui se sont formées récemment grâce aux tuyaux d’arrosage, et où personne n’est encore passé. On casse, on fracasse, ça dégringole… on défriche les stalactites à grands coups de piolets : ça tient plus du jardinage que de l’escalade. Deux voies comme ça et on est à plat, ça tombe bien : le séjour est fini !
Un grand merci à :
– Pascal Giraud notre guide pour nous avoir fait découvrir cette activité géniale http://www.guide-queyras.com/
– Chantal et Jean-Paul pour leur accueil chaleureux et leurs dîners monstrueux http://www.ancolie-bleue-queyras.com/
– Tous les Cascadeurs qui m’ont accompagné
– Les skieurs de randonnée qui ont partagé notre gite et égayé nos soirées tout au long de la semaine.
Ah tiens, Abries, j’y ai logé l’an dernier en allant randonner et géocacher dans le coin. http://tofgeocaching.wordpress.com/2011/12/10/geocaching-randonnee-queyras/ , d’ailleurs, un autre guide de haute-montagne du coin est aussi géocacheur, Mpoup (Marc).
Merci de nous faire découvrir ce type d’escalade !
merci pour ce petit blog et de populariser la kristennade
taupinade, kristennade
Cette dame va bientôt bientôt laisser sa marque de fabrique dans les guides de l’ensa…