Croisière souterraine (ou « La récompense de la persévérance »)

L’objectif : Naviguer dans des carrières souterraines inondées

Genèse

Tout commence il y a plusieurs années, avec une visite sur un site web d’exploration souterraine. Je tombe sous le charme des photos de l’eau sous la roche. Après avoir pris contact avec le webmaster, je reçois une réponse digne du père Fourras. Les informations fournies ne me permette pas d’y accéder. Premier échec.



Les carrières inondées

Ce n’est que bien plus tard, lorsque je découvre vraiment la spéléologie, que je décide de revenir explorer ces carrières.

Prospection

Pour trouver l’entrée, rien de plus simple : je prends une carte IGN, et je vais sur les endroits marqués par le symbole « Entrée d’excavation souterraine ». C’est l’occasion de trouver des accès à des petites carrières sympas, et je trouve l’entrée du réseau que je recherche.
Maleureusement, une porte blindée, sans poignée et avec une clé cassée dans la serrure, empêche tout accès. Deuxième échec.

Ça résume bien la situation

Le puits d’aération

Cependant, une geocache (aujourd’hui supprimée à cause des dangers d’effondrements en surface) m’avait entre-temps appris l’existence d’une cheminée d’aération.
Une première expédition pour descendre dans ce tube d’environ 1,20m de diamètre m’amène à -30m, où je suis bloqué par des débris. Ce sont de gros morceaux de bois et de la terre, coincés là par des équerres métalliques qui supportaient autrefois les ventilateurs, qui bloquent le passage. Troisième échec.

J’y retourne, avec plus de matériel, pour désobstruer cette cheminée. En s’y prenant bien, les débris dégringolent plus bas, et terminent dans l’eau dans un « PLOUF » retentissant. J’aurai les pieds dans l’eau en arrivant dans la salle, mais c’est plutôt bon signe : le puit n’est pas complètement bouché.
Ce n’est qu’après le passage de deux bouchons de débris que je trouve enfin la surface de l’eau. Hélas, elle se trouve dans la cheminée, à environ -45m. Les salles du coin sont donc inondées jusqu’au plafond. Quatrième échec.

Le coup de chance

C’est par un hasard inouï que la chance tourne enfin. Au cours d’un WE avec un club spéléo, je discute de mes recherches avec quelqu’un qui semble (trop) bien connaitre le sujet.
Le sort a voulu que je tombe sur le père Fourras ! (cf. Premier échec). Cette fois ci, il est plus loquace, et ses indications sont même accompagnées d’une carte façon pirate! Recyclage oblige, nous n’avons pas osé utiliser du papier neuf, et un pack de bière donne beaucoup plus de charme à ladite carte.

La carte au trésor "Leffe"

A la lumière de ces nouvelles informations, je trouve enfin un accès pour les carrières tant recherchées.

La reconnaissance

Une première visite de repérage permet de prendre connaissance de l’état général.
Tout d’abord, c’est propre : il n’y a pas de tag dans les galeries. Il n’y a d’ailleurs pas grand chose : quelques rails par-ci par là, mais la quasi-totalité du matériel d’exploitation a été retiré, même les traverses des voies ferrées.

Quelques-uns des rares rails restants

Un wagonnet blessé

Ensuite, ça s’effondre de partout. De nombreux fontis, des galeries éboulées partiellement ou en totalité, et des étançons qui ont pliés sous le poids de la roche. Après quelques réticences, mon compagnon d’exploration finit quand même par passer dans les passages les plus inquiétants.

Des poutrelles de soutien qui n'ont pas fait leur boulot.

Pour terminer, l’air… Nous marchions sur un chemin parfaitement lisse et plat : aucune raison d’être essoufflés par ce terrain, et pourtant, nous haletons.
Nous nous en rendons maintenant compte, nous sommes essouflés à cause du manque d’oxygène, résultant du non-renouvellement de l’air et d’une réaction chimique obscure.

Un long tuyau s’enfonce dans les galeries. C’est sûrement un ancien pompage, nous le suivons donc, en espérant atteindre les parties inondées.
Nous arrivons dans une partie boueuse. Quelques pas dans la mélasse et c’est le jackpot : de l’eau à perte de vue !
La reconnaissance est un succès. Enfin un !

Un châssis de wagonnet, avec les pieds dans l'eau

La navigation

Nous y retournons avec une équipe plus étoffée, et du matériel : 3 canots gonflables et des canettes d’oxygène : ça pourrait toujours aider si on se sent mal, pour revenir sur nos pas.

Nous arrivons à la partie inondée. L’eau n’est pas assez profonde pour embarquer ici. Décision est prise : nous gonflons les bateaux ici, et nous les tirerons jusqu’à ce que la profondeur nous permette de monter dedans.
Le gonflage se passe bien, malgré la boue omniprésente qui se glisse partout. Même dans les valves des gonfleurs, que nous rinçons à plusieurs reprises.

Gonflage des canots dans la boue

C’est parti pour une centaine de mètre en marchant dans l’eau, claire pour le premier, puis complètement troublée par la boue pour les seconds. Ce n’est pas le moment de se prendre les pieds dans le tuyau, toujours présent mais désormais invisible sous la surface opaque.

Les canots en cours de gonflage

Arrivés dans une zone où l’eau est plus profonde, nous pouvons embarquer en sécurité dans les bateaux gonflables. C’est parti pour une ballade féerique, digne de la maison des poupées de Disneyland, en mille fois plus cool. Les canots glissent sans bruit sur l’eau, les galeries sont suffisament large pour avancer sans risque de toucher les bords, et l’eau prend une teinte bleue totalement hypnotisante dès qu’on passe une lampe sous l’eau.

Navigation souterraine

En prenant soin de compter les piliers pour nous orienter, nous avançons vers le fond de la carrière. Surprise, une digue qui supportait une voie ferrée nous barre la route. Un peu de portage, puis nous nous remettons à l’eau juste derrière.

Nous profitons de tous les instants de cette promenade : compte tenu de la géologie environnante, la mort de de ce site est programmée, et nous pouvons parier que dans quelques années, tout ça n’existera plus.

Je me permets aussi d’embêter mes compagnons d’aventure avec des pauses photos, il faut bien alimenter ce site ! Sans flash, ils ont subi les « Stop, on ne bouge plus » inhérents au temps de pose prolongés des clichés nocturnes. Pas évident quand on est sur un bateau.

Un transformateur noyé

Quelques coups de pagaies, et nous arrivons sur une zone d’effondrements majeurs. Nous changeons de direction pour tenter de la contourner, ce qui nous permet de nous enfoncer encore un peu plus dans ce réservoir souterrain. Au bout d’un moment, les éboulements nous barrent la route devant, à gauche et à droite.

L’air ici est vraiment appauvri en O2, et nous respirons difficilement. Il est temps de faire demi-tour. Nous faisons le chemin inverse, dégonflons les bateaux, et la sortie nous attends. Ça fait du bien de respirer le grand air !

La sortie et le grand air

Épilogue

Je garde l’espoir d’aller encore plus loin. Ma descente dans le puits d’aération a montré que certaines salles sont inondées jusqu’au plafond. Il doit donc être possible d’atteindre des galeries siphonantes quelque part.

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